De Starbucks à LinkedIn, et de Singapore Airlines à eBay, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des chatbots, ou des robots conversationnels pilotés par l’intelligence artificielle (IA), pour interagir avec leurs clients.
L’année 2023 pourrait être marquée par une accélération de l’essor de ses assistants virtuels. En début d’année, Microsoft lançait son moteur de recherche, Bing, alimenté par ChatGPT. Trois mois après, la société se félicitait d’avoir généré plus de 500 millions de conversations, de dépasser les 100 millions d’utilisateurs actifs par jour et d’avoir vu les téléchargements de ses applications mobiles multipliés par quatre.
Le taux d’adoption des outils d’IA conversationnelle pourrait plus que doubler au cours des cinq prochaines années, mais ce succès dépend en réalité du niveau d’acceptation et d’engagement des utilisateurs. En effet, nombreux sont ceux qui se sentent encore mal à l’aise face à cette technologie ou qui la jugent incapable de comprendre leurs besoins. Par exemple, une étude menée aux États-Unis en 2019 montrait que 86 % des clients préféraient interagir en ligne avec un humain plutôt qu’un chatbot.
Pour favoriser l’engagement des consommateurs, les entreprises doivent avant tout doter les chatbots des compétences relationnelles et des capacités cognitives qui se rapprochent de la façon de penser des humains. Ces outils doivent être conçus de manière à comprendre et à répondre au spectre des émotions et à prendre des décisions en conséquence, notamment rediriger les clients vers des agents de service en cas d’impasse.
Pas comme dans le film Her
Or, nos récentes recherches montrent que la compétence relationnelle reste à l’heure actuelle la moins développée chez les chatbots. En effet, les robots conversationnels ne sont pas encore capables de se souvenir des interactions précédentes pour nouer des relations et s’adapter en conséquence à la tâche demandée.
L’IA a besoin de trois compétences clés pour que les utilisateurs engagent la conversation : la compétence cognitive, c’est-à-dire la capacité à appliquer ses compétences de résolution de problèmes et de prise de décision ; la compétence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité de l’IA à modérer ses interactions avec les utilisateurs en fonction de leurs réactions, en faisant preuve de compassion si nécessaire ; et la compétence relationnelle, c’est-à-dire le soutien, la coopération, la collaboration et la prévenance envers les utilisateurs.
Une grande partie des 200 personnes avec peu ou pas d’expérience avec les chatbots qui ont participé à notre étude ont déclaré regretter que cette compétence relationnelle ne soit pas plus développée. Nous avons pourtant recueilli leurs réactions après avoir testé Mitsuku, une jeune fille virtuelle similaire à celle du film Her, dans lequel le personnage principal tombe amoureux de la voix virtuelle de son téléphone, ou Woebot, qui se propose d’apporter un soutien émotionnel par le biais d’une thérapie par la parole, comme le ferait un ami.
Les chatbots doivent donc créer un environnement interpersonnel naturel, comparable à celui des humains, pour favoriser une communication à la fois spontanée et intéressante. Les tâches des IA sont ainsi appelées à évoluer vers des tâches plus complexes qui nécessitent des compétences sociales : rechercher, raisonner, planifier et résoudre des problèmes.
Une question de confiance
Des recherches ont montré que la confiance influence l’utilisation et l’adoption de la technologie dans le contexte des portails de m-commerce, des systèmes d’information commerciale et de gestion des connaissances… Nous savons également que les utilisateurs sont plus enclins à faire confiance aux technologies interactives lorsqu’elles sont dotées de caractéristiques humaines (voix, animation, etc.).
Cette confiance devrait ainsi être plus prononcée dans le cas des interactions clients pilotées par l’IA, car les utilisateurs peuvent juger de ses similitudes avec l’humain au fur et à mesure des réponses à leurs diverses demandes.
Shirish C. Srivastava, Professeur de Sciences de Gestion, Membre du Laboratoire de Recherche CNRS-GREGHEC, HEC Paris Business School; Anuragini Shirish, Professor of Information Systems, Institut Mines-Télécom Business School et Shalini Chandra, Associate Professor of Information Technology, S P Jain School of Global Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.